La force du soupçon : une reconfiguration de la viticulture bio portée par la crainte de « conventionalisation » - Université Toulouse III - Paul Sabatier - Toulouse INP Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2010

La force du soupçon : une reconfiguration de la viticulture bio portée par la crainte de « conventionalisation »

Résumé

Un problème inattendu a surgi ces derniers temps. Il a été nommé rapidement du nom de « conventionnalisation » du bio et désigne une sorte d’usure du signe de qualité bio. La capacité des signes de différenciation à instaurer une différence qualitative des produits bio ne résisterait pas aux nombreuses pressions économiques s’exerçant sur elle. Alors que l’agriculture raisonnée peine à émerger, le bio serait-il menacé de sombrer ? Les signes de qualité environnementale, ces outils majeurs de la politique de réduction des pesticides sontils vains, inadéquats, mal construits ? Pour répondre à cette question, la communication propose de s’appuyer sur une étude à propos de la qualité environnementale du vin pour revenir sur la notion de « conventionnalisation » et le soupçon qu’elle a apporté à propos de l’usure du signe bio. Pour un grand nombre d’agrobiologistes1, le bio repose sur un double principe de précaution : la prohibition des produits chimiques de synthèse d’une part, et celle d’une organisation économique orientée vers la recherche de productivité, et la maximisation des profits, soupçonnée avoir amené les problèmes environnementaux actuels. Pour éviter que les mêmes causes ne reproduisent les mêmes effets, l’agrobiologie doit donc reposer sur une économie alternative où vaut un autre calcul économique qui intègre l’environnement en accordant un poids plus important aux transports par exemple. La mise à distance de l’économie est donc, pour ces agriculteurs bio une condition de la pérennisation de leur différence environnementale. Le débat sur la conventionnalisation vient donc appuyer la crainte des acteurs envers l’économie en cherchant à savoir dans quelle mesure la différenciation qualitative bio est capable ou non de se pérenniser, malgré les différentes pressions économiques s’exerçant contre cette différenciation. Aucune réponse simple n’a été apportée au sujet de l’usure du bio. Après que deux auteurs aient commencé à montrer en quoi elle pouvait être inéluctable, de nouveaux travaux se sontmontrés plus hésitants. Selon les cas, les auteurs ont trouvé des « résistances » ou au contraire une usure d’origine économique ou politique du label. Ce débat contribue ainsi à déplacer l’attention accordée au bio. Les efforts déployés pour faire valoir la qualité environnementale se sont en effet jusque-là plutôt adressés aux acteurs qui ne faisaient pas la différence, ainsi l’agriculture raisonnée, plutôt qu’aux bios eux-mêmes. La recherche semble avoir relativement délaissé l’étude du bio depuis son « intérieur » et ceux qui cherchent à développer et faire valoir cette qualité. Quelques études du « monde bio » ont souvent conclu à son hétérogénéité, mais semble-t-il, sans retenir l’attention tant la priorité était d’augmenter le nombre de producteurs bio et d’interroger de ce fait les obstacles limitant son accroissement. Et l’on ne dispose donc que de peu d’éléments sur ces « résistances » qui s’opposeraient au mouvement économique de conventionnalisation. Cette communication souhaite attirer l’attention sur ce déséquilibre en revenant sur les changements qui ont émaillé le monde de la viticulture bio ces dernières années. Les campagnes de communication, les incitations, les aides, mais aussi divers événements et accidents survenus ces derniers temps dans le monde agricole, ont amené de nouveaux vignerons à l’agrobiologie. Le nombre des vignerons bio a augmenté et avec lui les interprétations de la qualité biologique se sont diversifiées. En effet, les aides à la conversion ont attiré des vignerons et généré une pression accrue pour trouver des débouchés commerciaux. Certains y ont vu une opportunité pour débarrasser l’agrobiologie de ses craintes vis-à-vis de l’économie et suggéré au contraire de mettre à profit tous les outils qu’elle offre pour diffuser et vendre toujours plus de vins à qualité environnementale. Cette démarche et le développement d’un « bio commercial » qu’elle fait poindre a ravivé les craintes d’un abâtardissement de la qualité bio par le marché et la recherche de rentabilité. Mais cette crainte de « conventionnalisation » du bio n’est pas partagée et ne touche qu’une partie des vignerons agrobiologistes. Pour lutter contre cette menace, ces derniers ont mis en place des différenciations internes des vins bio. Elles reposent sur des cahiers des charges plus draconiens que le label AB, et surtout une vigilance envers la qualité économique et sociale de la qualité bio. Le bio se diversifie donc. Renforcée par le recours à des techniques commerciales performantes, la qualité bio est aussi menacée par les controverses internes qui commencent à diviser les producteurs. Une qualité « commerciale », et une qualité à connotation « socioéconomique » sont peut-être appelées à cohabiter. Cette communication tente de montrer les difficultés qu’une telle cohabitation ne va pas manquer de faire naître.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-01197997 , version 1 (27-07-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01197997 , version 1
  • PRODINRA : 185089

Citer

Geneviève Teil, Sandrine Barrey. La force du soupçon : une reconfiguration de la viticulture bio portée par la crainte de « conventionalisation ». Conférence SFER-CEMAGREF "La réduction des pesticides agricoles, enjeux, modalités et conséquences", Société Française d'Economie Rurale (SFER), Mar 2010, Lyon, France. 16 p. ⟨hal-01197997⟩
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