De Dakar au Ferlo: le ceebu jen, révélateur de la dualité de l'alimentation sénégalaise prise entre le local et le global - Université Toulouse III - Paul Sabatier - Toulouse INP Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2017

De Dakar au Ferlo: le ceebu jen, révélateur de la dualité de l'alimentation sénégalaise prise entre le local et le global

Résumé

Dakar est une ville ouverte sur le monde et inscrite dans un processus de mondialisation qui conserve toutefois des habitudes et des particularités alimentaires locales. Le Ferlo, zone rurale du Sénégal, est le siège de changements depuis quelques décennies. Les valeurs, les représentations et les symboles alimentaires circulent entre les villes et le Ferlo depuis la grande sécheresse des années 1970 qui a accéléré le processus de migration des populations rurales vers les centres urbains. Les dynamiques de l’alimentation sénégalaise s’expriment alors dans les allées et venues entre ces deux espaces marqués par la mondialisation. La présence d’un plat partagé par la quasi-totalité de la population sénégalaise et consommé quotidiennement par une partie de cette population constitue une occasion de comprendre la tension entre local et global dans l’alimentation des villes africaines connectées à un milieu rural où les frontières sont difficiles à délimiter. Ce plat s’appelle le ceebu jën – riz au poisson en langue wolof – et est constitué de riz, de poisson, d’huile, de légumes et de condiments. L’accès à l’information sanitaire à travers les médias et les structures sanitaires font du ceebu jën un plat à controverses. Socialement, il est le plat servi lorsque l’on reçoit des invités, le plat autour duquel se crée et s’entretient le lien social. Nutritionnellement, la grande quantité d’huile et de bouillons en cube en font un responsable désigné de l’augmentation de la prévalence des maladies cardiovasculaires, de l’obésité, etc. Économiquement, au Ferlo, l’ouverture des marchés hebdomadaires et le développement du transport font du ceebu jën un plat de plus en plus consommé alors qu’il était autrefois un plat précieux et rare. À Dakar, la raréfaction du poisson entraîne une augmentation des prix de ce produit, ce qui compromet sa préparation dans certaines familles. Comment les mangeurs de Dakar et du Ferlo réagissent-ils ou s’adaptent-ils face aux injonctions, parfois contradictoires, concernant leur alimentation et plus particulièrement le ceebu jën ? Les résultats de cette étude s’appuient à la fois sur une enquête qualitative (entretiens approfondis et répétés complétés par des observations dans le Ferlo, entretiens semi-directifs et observations directes à Dakar) et sur une enquête quantitative (questionnaire à Dakar), toutes deux concernant l’alimentation domestique. Ces résultats montrent que, face aux injonctions contradictoires, les Dakarois tendent : pour les plus aisés, à diminuer la fréquence de consommation du ceebu jën tout en maintenant la qualité et la quantité de poisson et parfois en diminuant la quantité d’huile et de bouillon ; pour les personnes de niveau de vie intermédiaire, à augmenter le budget afin de maintenir la fréquence et la qualité du plat ; et pour les personnes les plus pauvres, à maintenir la fréquence de consommation, mais à diminuer la qualité et la quantité de poisson et de légumes. Au Ferlo, le ceebu jën est perçu comme le plat des gens de la ville (fonctionnaires de l’administration, agents des projets de développement, etc.) et des patrons, comme un moyen de distinction sociale. Mais il est, par ailleurs, accusé par la plupart de nos interviewés d’être responsable de nombreux maux. Finalement, au Ferlo comme à Dakar, le ceebu jën est aujourd’hui un « plat à controverses » : déprécié par tous du point de vue de la santé mais consommé par chacun.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-02423618 , version 1 (24-12-2019)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02423618 , version 1

Citer

Abdou Ka, Julie Leport. De Dakar au Ferlo: le ceebu jen, révélateur de la dualité de l'alimentation sénégalaise prise entre le local et le global. Manger en ville, Chaire UNESCO Alimentations du Monde/ OCHA, Dec 2017, Paris, France. ⟨hal-02423618⟩
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